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 La Vita d'Aristote, Livre III : Le siège d'Aornos

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MessageSujet: La Vita d'Aristote, Livre III : Le siège d'Aornos   La Vita d'Aristote, Livre III : Le siège d'Aornos EmptyMar 20 Jan 2009 - 21:16

par Lorgol


Moi, Epistène, attaché au service du très Grand Alexandre le troisième, veut témoigner, au crépuscule de ma vie, des évènements fabuleux dont je fus tantôt le témoin, alors que l’armée macédonienne atteignait Nicae et les rives du Cophen, au-delà des monts Paraponisades. Nul d’entre nous ne connaissait les contrées reculées et mystérieuses que nous abordions. Alexandre et moi aimions à converser des mémoires de Ctésias, ou des écrits d’Hérodote, qui constituaient tout ce qu’on pouvait en savoir.

Les conditions de notre périple étaient désespérément mauvaises. Les soldats étaient éreintés par la chaleur et l’atmosphère insalubre. L’humidité s’immisçait partout, la crasse formait des plaques jaunâtres sur les visages contrits des combattants, et la moindre écorchure s’infectait aussitôt. L’eau potable venait à manquer, tout comme la nourriture qui pourrissait en quelques jours. Certains furent pris de fièvres mortifères qui faisaient couler leurs humeurs à grands flots par tous les orifices, et les laissaient pour mort. L’infortuné contingent devait progresser sur des chemins indignes de ce nom, rendus à l’état de bourbiers par les pluies diluviennes qui s’abattaient, comme une fatalité, à la fin de chaque jour.

Et enfin, par un beau matin, nous atteignîmes la cité d’Aornos, refuge du peuple Assacène, que notre bon roi tenait pour ennemi. Quatre immenses tours d’argent formaient les angles d’un complexe de fortifications, qui protégeaient une ville singulière dans sa disposition. La cité était bâtie sur une colline. A son sommet, on pouvait distinguer ce qui devait être un temple, surmonté d’une sorte de minaret flamboyant d’or et de pierres précieuses, qui surplombait, accrochés à flanc de relief, la ville proprement dite.

Alexandre fit une inspection minutieuse de ses troupes, puis tint un discours fort captivant sur l’abnégation à la cause publique, pour remonter leur moral. Il fit ensuite réunir ses généraux pour débattre de la stratégie à tenir. L’état-major fut d’accord pour qu’un siège fut organisé, et Alexandre fit cette remarque pleine de bon sens : « On va tout de même leur balancer quelques boulets pour leur faire savoir qu’on est là. Qu’on fasse installer les catapultes ! ». Et ainsi il fut fait selon la volonté du souverain.

La première salve fit réagir de façon bien particulière nos ennemis. Nous vîmes venir dans notre direction une troupe de trois cavaliers, qui constituait une délégation Assacène. L’un d’eux se dirigea droit vers Aristote, précepteur de toujours d’Alexandre, homme d’une incroyable sagesse, et dont depuis ces événements je crois en la sainteté. Il jeta un regard fixe à notre philosophe, puit tint cet étonnant discours : « Nous t’attendions, viens. Le grand Manitou du serpent cosmique a prophétisé ta venue ». Puis, il s’adressa à Alexandre en des termes tout aussi consternants : « Souverain de Macédoine, tu pourras détruire Aornos très bientôt, mais avant nous devons accomplir le Grand Dessein, et montrer à Aristote notre cité et ses rouages. Dès qu’il sera de retour du pourra donner l’assaut ». Alexandre fit part de sa méfiance, redoutant un piège, mais Aristote lui causa en ces termes : « Si je ne satisfais pas ma curiosité, je ne pourrais mourir en paix ».

Alexandre : « Mais si tu y vas-tu mourras plus vite ».

Aristote : « Si je n’y vais pas, je mourrais plus tard, mais bien pire que mourir, je mourrais insatisfait. Dans les deux cas je suis mort ».

Alexandre : « A toi de voir ».

Voilà qui n’était pas sans soulever la mienne, de curiosité, et je demandais discrètement à mon roi si je pouvais suivre le philosophe dans sa visite, ce qu’il accepta. Les Assacènes en firent autant.
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MessageSujet: Re: La Vita d'Aristote, Livre III : Le siège d'Aornos   La Vita d'Aristote, Livre III : Le siège d'Aornos EmptyMar 20 Jan 2009 - 21:17

La cité d’Aornos était une singulière mécanique sociale. Notre hôte Assacène nous commentait la visite, pendant que nous progressions vers le sommet de la colline. Et à mesure que nous avancions, je voyais le visage d’Aristote se transformer, comme si tout lui était soudainement familier. A chaque intervention de notre guide, le philosophe répondait d’un air entendu, avec circonspection.

Alors que nous traversions un sombre dédale de ruelles où chaque recoin, chaque ombre était la scène d’une rapine, d’une agression, d’un acte de violence, où les ribaudes se pressaient dans des contorsions obscènes et des positions lascives pour aguicher les passants, l’Assacène dit qu’il s’agissait là de la zone D, celle où l’on plaçait tous les rebus de la cité, et ceux qui ne respectaient pas ses règles. Je me hasardais à la question suivante : « Mais pourquoi ne pas les bannir ? ». Notre guide me répondit que le manitou ne le souhaitait pas, parce que selon les propres termes de ce qui devait être leur souverain: « nous dépeuplerions notre cité ». Aussi faut-il préciser que les Assacènes enlevaient aux mères de la zone D leurs nouveaux-nés, pour les placer dans des élevages. Aristote fit ce commentaire : « Je ne vois ici que vice et misère sordide ».

Alors que nous progressions au travers d’une extraordinaire étendues de cultures diverses, maïs, blé, orge, disposées en multiples paliers, d’élevages grouillants de cochons et de vaches, et où l’on pouvait distinguer quelques paysans squelettiques, arrassés d'un travail d'esclave et souffrant de famine, l’Assacène dit qu’il s’agissait là de la zone C, celle où vivait la caste des cultivateurs. Je me hasardais à la question suivante : « Mais pourquoi sont-ils faméliques, vos cultivateurs ? ». Notre guide me répondit que la caste supérieure vivait dans l’opulence, et que la production était insuffisante pour assurer la subsistance de la classe laborieuse. Mais aussi faut-il préciser que le manitou refusait aux agriculteurs le droit de s’installer extra muros, où ils auraient pu bénéficier de plus grands espaces pour un meilleur rendement, parce que, toujours selon ses termes, « les cultivateurs doivent être très étroitement contrôlés pour éviter les actes déviants ». Aristote fit ce commentaire : « C’est absurde ».

Alors que nous dûmes cheminer au travers d’un quartier cossu abritant des bâtisses grandioses, dédiées aux héros militaires victorieux, et accueillant une intense activité qu’il fallait qualifier de futile, où les uns allaient et les autres venaient, sans but aucun, l’Assacène dit qu’il s’agissait là de la zone B, demeure de la caste des citoyens-soldats. Je remarquais qu’un grand nombre d’autochtones portaient de petits miroirs de cuivre pendus à leurs cous, et s’arrêtaient souvent de longues minutes pour entrer en contemplation devant leur propre reflet. Je me hasardais à la question suivante : « Mais que font tous ces gens qui semblent tirer tel plaisir à regarder leur image ? ». Notre guide me répondit que les soldats n’avaient point guerroyé depuis des années, et qu’à force de n’avoir autre chose à faire qu’admirer les choses de la nature, ils en viennent à s’admirer eux-mêmes, et à vivre dans une scandaleuse débauche de stupre et de luxe. Mais aussi faut-il préciser que le manitou interdisait aux soldats de s’entraîner en temps de paix, ou même de porter les armes, parce que, encore selon ses termes: « il ne faut pas risquer que l’armée puisse un jour se retourner contre nous ». Aristote fit ce commentaire : « C’est grotesque ».

Alors que nous traversions ce qui semblait être une sorte de cloître dédié aux affaires les plus importantes de la cité, où promenaient de ventripotents magistrats, arborant des panoplies complètes d'éclatantes pièces de joaillerie, et donnant leurs consignes à des compagnies de négociants, de banquiers, de porteurs, affluant de toutes parts, l’Assacène dit qu’il s’agissait là du cénacle, ou zone A, où se réunissaient les philosophes-rois qui constituaient le gouvernement de la cité. Je me hasardais à la question suivante : « Mais votre gouvernement n’est-il qu’une question d’écus, pour que tout ici soit en rapport avec le marché ? ». Notre guide me répondit que toutes les questions de politique avaient été abandonnées, et qu’on ne s’intéressait plus qu’à l’économie. Mais aussi faut-il préciser que le manitou avait affirmé que le but de la cité devait être d’amasser des richesses, pour, selon ses propres termes: « se prévenir des lendemains qui déchantent ». Et Aristote fit ce commentaire : « C’est affligeant ».

Et enfin nous parvînmes au sommet de la colline, faisant face au temple du manitou.
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MessageSujet: Re: La Vita d'Aristote, Livre III : Le siège d'Aornos   La Vita d'Aristote, Livre III : Le siège d'Aornos EmptyMar 20 Jan 2009 - 21:17

Le temple du manitou du serpent cosmique était un édifice imposant, dont l’architecture ne tolérait aucune fioriture. Le décorum était d’une simplicité extrême, et se limitait à quelques bas reliefs représentant des épisodes de la vie du serpent cosmique, divinité Assacène. Seul le dôme du temple tranchait avec l’austérité de l’ensemble, chargé qu’il était de pierres précieuses, et tapissé de feuilles d’or. Nous pénétrâmes dans la bâtisse, emboîtant le pas de notre guide, qui nous conduisit à une sorte de guichet, tenu par ce qui semblait être des moines. Ceux-ci nous interrogèrent sur nos identités, nos adresses, nos situations familiales, nos revenus, nos filiations, et plusieurs heures plus tard, nous fûmes enfin autorisés à rencontrer le manitou.

Le manitou du serpent cosmique était un personnage singulier. Nous nous attendions à rencontrer un souverain, splendide dans sa majesté, mais c’est un homme dépourvu de charisme qui nous faisait face. Le manitou était petit, maigre, d’un age plutôt avancé, et portait une ridicule petite moustache. Il nous accueillit froidement en ces termes : « Les étrangers ne sont d’habitude pas bienvenus ici, mais pour vous nous faisons une exception, puisque vous êtes acteurs de la prophétie ». Je brûlais de lui poser la question, mais c’est Aristote qui le fit avant moi : « Mais de quelle prophétie parlez-vous donc ? ». Le manitou lui répondit qu’il avait vu en rêve qu’Aornos serait détruite par des armées venues d’occident, mais qu’un philosophe du nom d’Aristote devait d’abord visiter la cité pour en perpétuer la mémoire dans ses écrits. Aristote affirma que jamais il n’userait de son précieux temps pour écrire deux lignes sur Aornos, « plutôt crever, ou mieux, qu’Aornos sombre dans un total oubli ». Le manitou fut atterré par les paroles du philosophe : « Ah, non, non, non ! Ca non, nous ne pouvons pas être oubliés, enfin ! Nous sommes l’idéal politique ». Aristote pouffa : « Pouah ! Vous plaisantez ? Un idéal, une vaste blague oui : je ne vois ici que péché.

Je ne vois que luxure des hordes d’égarés vautrés dans les abus obscènes des choses de la chair, qui conduisent à l’irrémédiable contamination de l’âme, devenant alors comme un noir paysage peuplé de phantasmes où les corps se mêlent dans des positions indicibles. Ces damnés vont et viennent dans un sinistre ballet, en quête de nouvelles expériences sordides, pour calmer leur appétit féroce qui ne fait qu’aller grandissant. Plus rien n’a d’importance, sinon la satisfaction de leurs bas penchants, et bientôt, les obsessions deviennent si fortes qu’ils sombrent lentement dans une folie noire.

Je ne vois que colère, que des pauvres bougres qui s’abandonnent à leurs penchants primitifs pour lever la voix ou le gourdin contre leurs frères, que des sinistres maraudeurs qui jouissent de la violence de leurs actes malfaisants. Ceux-là, bientôt poussés par leurs pulsions bestiales, ou leurs tendances à la perversité, se repaissent de chair humaine et boivent le sang de leurs victimes, avant de semer la mort, puis de s’oublier à jamais dans une orgie de viscères et d’humeurs répandues.

Je ne vois qu’avarice de ceux qui prétendent commander mais qui ne font qu’exploiter, méprisant des intérêts les plus fondamentaux de leurs sujets, de ceux qui se complaisent dans leur petit confort, méconnaissant des besoins vitaux de leurs frères laborieux, et qui refusent une miche de pain aux bouches affamées. Ceux-là, en vérité, font preuve d’un tel égoïsme, que toute leur substance converge vers un même point central de leur organisme, et qu’ils deviennent ainsi tout rabougris, bossus, et tordus par l’œuvre du temps.

Je ne vois que gourmandise, et extraordinaire opulence des citoyens, qui sont gras d’abuser des choses de la table, rosés de boire trop de vin, et nonchalants de leurs excès de sommeil. Ceux-là verront bientôt leurs langues couvertes de pustules immondes, et gonfleront comme des baudruches, pour ensuite éclater tels des fruits murs dispersant ainsi leurs pauvres chairs aux quatre vents.

Je ne vois qu’orgueil et fatuité des citoyens, qui se réjouissent de la contemplation de leur propre image, et qui se persuadent de vivre dans la perfection physique, morale et politique. Ceux-là deviendront les plus laids, les plus difformes d’entre tous à mesure qu’ils vieilliront ; ils finiront fous de désespoir d’être rendus à l'état de monstruosités rampantes, larves visqueuses qui n’ont plus rien d’humain.

Je ne vois qu’envie des uns pour les choses des autres, ceux d’en bas voulant posséder autant que ceux d’en haut, tels se pourléchant de ce qu’ils pourraient encore tirer de leur prochain, et la chrématistique se faisant l’instrument de ce système pernicieux. Ceux-là aiment trop posséder et posséder autrui, et à se croire trop libres de désirer, ils en deviennent esclaves de leurs désirs, soumis aux moindres aléas de la fortune : leur vie devient un enfer, une quête effrénée et impossible d’un nombre toujours plus grand de choses terrestres.

Et enfin, je ne vois qu’acédie, le pire de tous les vices, s’il en est un, car voilà des citoyens qui au nom d’une obscure prophétie se laissent aller à la contemplation absurde de ce qu’il croient être leur destinée, à savoir disparaître sous les coups du glaive d’Alexandre, des citoyens qui au lieu d’agir, regardent béatement et passivement, des citoyens qui ignorent que l’action est le produit de l’héroïsme, le plus noble véhicule des vertus. Ceux-là, en vérité, ne méritent plus le nom de citoyens, et donc ne méritent plus le nom d’homme, ils sont des légumes ! »

Et Aristote se tût. Le manitou fit des yeux ronds, quant à moi je ne savais que dire après une telle tirade. Le temps fut suspendu, puis le souverain eut soudain une réaction violente. Aristote et moi fûmes expulsés d’Aornos, après avoir été copieusement insultés par le petit roi, qui entrait dans une colère hystérique.
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MessageSujet: Re: La Vita d'Aristote, Livre III : Le siège d'Aornos   La Vita d'Aristote, Livre III : Le siège d'Aornos EmptyMar 20 Jan 2009 - 21:18

Exclus d’Aornos, Aristote et moi-même rejoignîmes Alexandre, qui attendait avec son armée à quelques centaines de coudées des remparts de la cité. Le roi ne manqua pas de nous interroger sur les défenses de l’ennemi, chose à laquelle, je dois l’avouer, je n’avais pas prêté la moindre attention. Ce n’était manifestement pas le cas d’Aristote, qui fit en détail une description du dispositif militaire Assacène. Il ajouta qu’Aornos n’était qu’une cité corrompue, qui méconnaissait les principes de base devant fonder toute communauté, et qui n’était pas digne du nom de république. Il en concluait qu’il fallait la détruire, et fonder à sa place une cité vertueuse, et qu’il fallait, selon ses propres termes, « extirper l’erreur des esprits faibles, pour y substituer la conviction en la vertu ».

J’eus soudainement un de ces éclairs qui vous font espérer une petite gloire intellectuelle, et je crus pouvoir prendre le philosophe en défaut. Je relevais en effet qu’il avait tantôt affirmé au manitou que la violence était chose vicieuse car relevait de la colère, et que pourtant il encourageait Alexandre dans son entreprise expansionniste. Aristote me répondit plutôt sèchement : « Notre communauté est glorieuse, parce que vertueuse. Ce constat n’a rien de subjectif, c’est une réalité parfaitement tangible, et qui fonde notre droit à établir, sur toute la surface du monde connu, notre république, pour le bonheur des peuples. Nos principes sont la vérité parce que sont tirés de l’ordre naturel des choses. Nous sommes la république universelle de l’esprit ». Je décidais de mesurer, à l’avenir, mes paroles, pour éviter d’être ainsi tourné en bourrique par le philosophe.

Alexandre ne voulait pas d’un siège d’usure, car en l’état de nos provisions, les assaillants auraient cédés avant les assiégés. Nos positions étaient en outre bien mauvaises, puisque nous étions exposés aux traits de l’archerie ennemie, le manitou étant, depuis notre entrevue avec lui, résolu à combattre. Pour nous mettre à l’abri, il nous fallut reculer, et retourner dans la fange et les miasmes des mangroves dont nous venions. Les hommes n’auraient pas tenu trois jours dans ces conditions, sous les nuées d’insectes et de serpents, dans l’atmosphère malsaine du marécage. L’état-major opta donc pour une attaque le soir même contre les premiers remparts du dispositif défensif. Ce fut une catastrophe. Des centaines de soldats périrent dans un assaut vain. Les archers et piquiers ennemis étaient redoutables, et nos hommes n’avaient pas même le temps de dresser les échelles : ils tombaient comme des mouches. Le bélier eut un sort tout aussi peu enviable : près de la moitié de l’équipage fut tuée avant même que l'engin ne vint heurter la porte. Les survivants étaient si peu nombreux qu’ils ne parvenaient plus à manœuvrer le bélier, qui fut bientôt comme une baleine échouée sur le pont-levis, les soldats l’ayant abandonné dans leur déroute.

Alexandre, loué qu’il était dans sa mansuétude à l’endroit de ses hommes, fit cesser promptement le massacre, et sonna la retraite. Les pertes furent ainsi limitées, quoique conséquentes. L’état-major fut de nouveau réuni, et conspué par le roi de Macédoine. Le souverain semblait fort contrit de la tournure que prenaient les événements, et avoua qu’il ne s’attendait pas à telle résistance. C’est alors qu’un général intervint, et rappela à Alexandre comment fut gagnée la guerre de Troie, et par quel subterfuge Ulysse parvint à introduire des guerriers grecs dans la cité. Aristote le fit taire aussitôt : « Ces légendes sont des crétineries polythéistes, et les troyens ne peuvent avoir existé, car aucun peuple ne peut être assez stupide pour tomber dans un piège aussi grossier. Il se serait bien trouvé un troyen pour prévenir ses concitoyens de leur stupidité, et qu'un cheval de bois de facture douteuse, qui sonne creu, et qui du reste était un objet de très mauvais goût, pouvait en outre être une ruse puérile». Le général s’insurgea qu’on méprise ainsi les croyances séculaires, et Aristote lui répondit sans se démonter qu’une croyance peut être séculaire, ça ne la rend pas nécessairement vraie. Alexandre fit cesser la conversation qui tournait au vinaigre, hurlant que ces polémiques ne l’aidaient pas.

Aristote fit alors une proposition étonnante : « je vais défier le grand manitou en combat singulier, et de ce combat dépendra le sort de la cité ».
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