Parce que tout finit un jour...

Invité

La blonde archidiaconnesse de Langres et diaconesse de Joinville avait demandé audience à Monseigneur Yut, en vue de sa très probable future démission. Elle attendait sagement dans le couloir que son supérieur la reçoive.

Invité

L'Archevêque demanda à ce qu'on fasse entrer Soeur Keltica. Il avait été bien triste de lire sa missive, mais en un sens il pouvait le comprendre.

Bonjour, ma soeur. Vous pouvez prendre place.

Invité

La jeune femme entra à l'injonction du portier, vint s'incliner devant l'Archevêque et s'installa.

Bonjour à vous, Monseigneur, pardonnez-moi une nouvelle fois de vous déranger, je gage que ce sera une des dernières fois...

Avez-vous pris connaissance de mon courrier ?

Invité

Il acquiesça.

J'ai en effet prit connaissance de votre missive, avec tristesse, je ne peux vous le cacher. Maintenant, si vous avez pris votre décision, je ne peux vous empêcher de faire votre voeux. Toutefois, est-ce je suis vraiment la personne à qui s'adressait cette missive? En avez-vous fait part à Monseigneur Pie?

Invité

Elle le regarda, interloquée. Elle pensait que ce serait le seul à lui demander des explications, essayer de la comprendre, de la retenir, puisque lui savait tout l'amour qu'elle avait à sa charge...

Bien... J'irai donc voir monseigneur Pie... Pardonnez-moi de vous avoir dérangé...

Invité

Le prélat sourit tristement.

Vous ne me dérangez pas, ma soeur, et vous savez que ma porte restera toujours ouverte pour vous, démission ou pas. Je tient tout simplement à ce que vous preniez la bonne décision et que vous soyez certaine de votre choix. Tout ce que je peux vous conseiller, c'est de méditer longuement à cela, si ce n'est déjà fait.

Invité

Ce que je veux dire Monseigneur, c'est que personne qui en a le pouvoir n'agit pour faire taire ceux qui salissent l'Eglise qu'ils prétendent servir. Tant que personne n'agira pour remettre les choses en place, pour punir les agressions, l'Eglise restera bafouée, des hommes et des femmes de bonne volonté resteront bafoués, et l'Eglise finira par n'être servie que par des personnes incapables d'appliquer les préceptes qu'ils professent.

Donc j'exige qu'Aegon et Aristokoles, qui m'ont maintes fois publiquement agressée et insultée, soient punis comme il se doit. J'ai été gentille, j'ai subi, j'ai pardonné, mais là, je n'accepte plus. Je suis aristotélicienne, et je ne m'estime pas moins bien qu'eux, ni mieux, je suis leur égale, ils doivent me traiter comme telle. J'utilise donc mes droits pour porter plainte contre eux. Je ne me contenterai plus de remontrances paternalistes, je demande un exemple.

La voix s'était affermie, le regard s'était durci ; la belle était blessée, viscéralement, et elle n'acceptait plus à présent de servir de carpette pour les prétentions de deux hommes d'Eglise pétris de haine, de rancoeurs et de méchanceté.

Invité

Le fait est que je ne suis le supérieur de ni l'un, ni l'autre. Je les ai rappelé à l'ordre à quelques reprises, vous le savez. Maintenant, je sais qu'ils ont pu vous blesser et je vous comprend sur ce point là. Personnellement, je n'ai jamais aimé les Thomistes, mais je trouve que ces deux-ci, même s'ils sont souvent directs, sont des clercs très compétents et cela on ne peut pas leur enlever.

Invité

Non Monseigneur ; agir avec la haine au coeur et le fiel à la bouche n'est pas digne d'un clerc, et cela lui enlève toute compétence. Je n'appelle pas cela être direct, j'appelle cela être insultants, méprisants et orgueilleux, toutes choses défendues par notre fonction. Si vous n'êtes pas leur supérieur, vous pouvez agir auprès des personnes qui le sont non ? A moins que vous ne préfériez laisser cela, tant pis pour moi ?

Invité

Pas de réponse, pas d'acte... Déçue, la jeune femme se leva, s'inclina.

Pardon de vous avoir dérangé. Vous ne m'aurez plus dans les pattes à présent, et l'Eglise pourra dériver sous les attitudes de clercs soi-disant très compétents, surtout dans la catégorie "semeur de haine et de mort".

J'ai eu plaisir à travailler avec vous, mais je ne peux plus accepter et cautionner tout ceci. Prenez soin de vous...

Elle inclina une dernière fois la tête et sortit de la pièce.

Invité

Quelques heures plus tard, un petit messager apportait une lettre à l'Archevêque.

Citation :: A Monseigneur Yut, Archevêque de Lyon
A Monseigneur PieII, évêque de Langres
Au Père Karel, curé de Joinville
A l’ensemble de l’Archevêché de Lyon

Par la présente, nous, Keltica de Chancelley, Archidiaconnesse de Langres, Diaconnesse de Joinville, renonçons ce jour à nos charges susdites.

Les outrages que nous avons subis, insultes et autres reniements publics, de façon presque quotidienne, durant les mois de guerre ont eu raison de notre volonté de sacerdoce ; les appels à la haine, au crime, à l’insulte, les mensonges, bref, ce que nous avons vu de plusieurs clercs est indigne des représentants de Dieu, et ne correspond nullement à ce que nous avons lu dans le Livre des Vertus, selon lequel nous sommes censés aimer et respecter notre prochain, que chacun a le droit de penser selon son vœu, selon sa vision des choses, que la différence de pensée n’est pas une raison pour manquer de respect et insulter l’autre.

L’absence de réactions conséquentes aux attaques au vu et au su de tous, que ce soit dans les salles de débats internes ou sur les places publiques, le laxisme vis-à-vis de ces attitudes nous ont confirmés que nous n’avions plus notre place dans l’Archevêché ; quand un croyant commet une faute, on lui donne une pénitence pour qu’il soit absout. Dans cette situation, aucune pénitence à l’encontre des fauteurs n’a été prononcée, les laissant totalement libres de poursuivre leurs mauvais actes et nous n’acceptons plus de participer à cette mascarade. Quelle serait alors la valeur du pardon accordé ?

C’est avec regret que nous quittons la paroisse de Joinville, où beaucoup appréciaient nos prêches, nos sermons, mais nous gageons que le Père Karel continuera d’agir pour le bien des ouailles joinvilloises, nous l’aiderons toujours s’il en éprouve le besoin et le désir, cela va sans dire, mais nous ne le ferons qu’à titre amical.
Nous tenons à remercier les rares personnes qui, même discrètement et dans la mesure de leurs moyens, nous ont soutenue, et nous prierons pour le salut de l’âme des cultivateurs de la haine. Nous savons que nous n’aurons jamais aucune excuse sincère de leur part, mais peut-être le temps leur accordera notre pardon.

Nous restons à votre disposition par courrier privé si nécessaire, en cas d'explications.

Fait en l’église de Joinville, le mai 1461

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Archidiaconesse de Langres
Diaconesse de Joinville
Dame de Salives et d'Artus
Aristotélicienne convaincue et déçue

Invité

Un petit rajout fur rapporté à l'Archevêque pour compléter la lettre précédente.

Citation :: A Monseigneur Yut, Archevêque de Lyon
A Monseigneur PieII, évêque de Langres
Au Père Karel, curé de Joinville
A l’ensemble de l’Archevêché de Lyon

Suite à une incompréhension conséquente à notre lettre de démission, nous tenons à rétablir une vérité ; si nous ne citerons pas les personnes qui nous ont quotidiennement agressée et insultée, dont chacun connait l'identité, nous ne pouvons passer sous silence le nom des personnes qui nous ont le plus soutenue.

Il s'agit bien sûr de Monseigneur PieII et le Père Karel, qui, en tant que supérieurs directs, se sont appliqués dans la mesure de leurs moyens à nous aider à tenir face à la haine, qui nous ont défendue dans l'exercice de nos fonctions, et qui ont accepté notre manière de remplir la dite fonction. Nous regrettons sincèrement d'avoir pu les blesser dans notre lettre précédente, et nous espérons que cette note leur prouvera que nous n'avons aucun ressentiment envers eux, bien au contraire !

Nous tenons aussi à faire remarque de l'évolution possible quand on commence à s'écouter ; la preuve en est l'attitude du Frère Ambroise et la nôtre. Une relation commencée dans l'opposition, jusqu'à ce qu'une écoute réciproque apaise et ouvre les yeux de chacun, pour arriver à une relation sinon affectueuse, au moins harmonieuse. Lorsque les clercs haineux commenceront à écouter les autres, l'évolution vers l'apaisement sera possible. La fermeté et les pénitences que l'on demande aux fidèles devraient être encore davantage exigé des représentants du Très Haut, sinon, comment peut-on demander à des fidèles de faire pénitence quand ils voient leurs prêtres faire à leur guise, comment peut-on leur demander de suivre les préceptes des livres quand les prêtres les bafouent ?

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