Entretien avec Pénélope

Wilgeforte referma son livre en entendant les trois coups.

Entrez !

Son visage était fermé et dénué de tout sentiment. Elle n'était certes pas chaleureuse mais nullement non-avenante : elle semblait simplement comme gelée.
Elle désigna un siège à Penelope.

Votre Grâce, car elle avait décidé d'opter pour la froide étiquette plutôt que pour la chaleur d'un "ma fille", avez-vous une idée des motifs qui m'ont poussée à vous convoquer ici ? demanda Wilgeforte d'une voix d'une neutralité parfaite.

Wilgeforte posa sa tête sur ses deux mains jointes : telle était sa position d'écoute attentive.

Quelles étaient les raisons de ces menaces ?

Wilgeforte remarqua le regard direct de Penelope et adopta le même pour lui répondre :

Vous êtes gouverneur du Lyonnais, vous dépendez donc temporellement de Lyon si l'on considère que vos appartements se trouvent dans la capitale. En outre, d'autres personnes risquent d'être entendues pour cette affaire et elles dépendent d'une officialité encore différente que celle de Lyon ou de Vienne.
Toutes ces raisons ont permis à Rome d'autoriser la saisine de l'officialité à Lyon, capitale des duchés, afin de ne favoriser personne. N'ayez donc aucune crainte de forme, je sais pertinemment ce que je fais.

Un temps.

Je vous avais posé une question, je crois.

Wilgeforte tiqua.

Vous avez droit à un avocat lors d'un procès. Ceci n'est qu'un audit.

Elle laissa ensuite s'écouler un temps plus ou moins long au terme duquel elle décroisa les bras et fixa Penelope avant de déclarer d'une voix sobre :

Le vicomte de Monestier vous accuse d'adultère.

HRP : conseil de lecture pour toutes les personnes suivant ce RP : https://archidioceselyon-rr.1fr1.net/secretariat-f5/hrp-mise-au-point-t4976.htm

Wilgeforte eut une nouvelle moue.

Ma fille, ne vous méprenez pas. La tâche de l'inquisition consiste justement à démêler le vrai du faux, et les rumeurs fondées des rumeurs non fondées.
Si j'accordais trop de crédit à de simples rumeurs, je vous aurais directement mises en procès. Si vous êtes ici, c'est bien que je désire justement ne pas me fier à des ragots.

Elle sortit ensuite un livre à la couverture de cuir et sur lequel étaient gravées en lettres d'or les mots Livre des Vertus. Elle regarda ensuite Penelope dans les yeux et dit :

Pouvez-vous jurer, une main sur le Livre des Vertus, que vous n'avez jamais commis d'adultère ?

Wilgeforte attendit un instant puis reprit le livre.

Bien. Une dernière formalité et nous en aurons terminé.

Elle tendit à Penelope deux parchemins qu'elle avait rédigés avant l'audit. Ils étaient rigoureusement identiques.

Pourriez-vous apposer votre signature au bas de ces deux parchemins, ma fille ?

Citation :

Lyon, le treizième jour du prime mois de l'an d'Horace MCDLVIII, sous le pontificat d'Eugène V.


Nous, Penelope, gouverneur du Dauphiné et du Lyonnais, reconnaissons par la présente avoir juré sur les Saintes Écritures et devant l'inquisitrice monseigneur Wilgeforte de Torretta-Granitola n'avoir jamais commis d'adultère depuis notre mariage et réitérons ici ce serment de manière officielle.

Pénélope saisit le parchemin puis prit la plume d'oie et apposa sa signature au bas du vélin.

Citation :

Lyon, le treizième jour du prime mois de l'an d'Horace MCDLVIII, sous le pontificat d'Eugène V.

Nous, Penelope, gouverneur du Dauphiné et du Lyonnais, reconnaissons par la présente avoir juré sur les Saintes Écritures et devant l'inquisitrice monseigneur Wilgeforte de Torretta-Granitola n'avoir jamais commis d'adultère depuis notre mariage et réitérons ici ce serment de manière officielle.

Une fois cela fait elle lui rendit le document.

Wilgeforte gratifia Penelope du premier sourire qu'elle eut depuis le début de l'audit.

Mon enfant, je vous remercie pour votre franche collaboration. Pardonnez-moi également de vous avoir pris de votre temps, et recevez mes meilleurs vœux pour votre mandat.

Elle se leva pour la raccompagner.

Puisse Aristote guider votre gestion des duchés.

Wilgeforte, une demi-heure avant le début prévu du second audit de Pénélope, avait fait placer deux gardes épiscopaux à l’entrée du secrétariat. Elle doutait que Pénélope ne s’emballe, mais la prudence était plus que jamais mère de sûreté.

Pénélope entra. Wilgeforte lut beaucoup de haine dans ces yeux. Cela était compréhensible et Wilgeforte ne lui en voulait pas pour cela. Par contre, elle lui en voulait pour autre chose.

Prenez donc place, Votre Grâce, dit la Sicilienne avec son habituelle froide neutralité et en désignant un siège à Pénélope. J’aimerais, Votre Grâce, que vous me commentiez ce document fort intéressant, poursuivit-elle de son ton monocorde et en tendant un rouleau de vélin à Pénélope.

Citation :

Lyon, le sixième jour du deuxième mois de l'an d'Horace MCDLVIII, sous le pontificat d'Eugène V.


Nous, Hardryan Devirieux, diacre de Briançon et duc de Chasteau-Queyras, reconnaissons par la présente avoir avoué à l'inquisitrice monseigneur Wilgeforte de Torretta-Granitola que nous avions entretenu une relation amoureuse avec dame Pénélope, gouverneur du Dauphiné, en sachant pertinemment bien que cette dernière était mariée — cette relation n’ayant cependant entraîné aucune copulation et s’étant bornée à de simples baisers buccaux —, et réitérons ici ce serment de manière officielle.

(signé) Hardryan

Wilgeforte, en bon glaçon, ne bougea pas d’un cil pendant toute la diatribe de Pénélope.

Votre discours m’arracherait presque une larme, Votre Grâce. Mais vous semblez oublier que vous avez fait vœu de fidélité à un autre homme. En laissant vos émotions parler avant la raison, vous me semblez fort avoir commis un grave péché d’intempérance.
Par ailleurs, vous avez péché par dissimulation en jouant sur les mots : vous n’avez pas juré quelque chose de faux, mais vous avez sciemment omis de jurer le vrai.

Êtes-vous consciente de tout cela ?

En dépit de toute attente, le ton de la Sicilienne resta le même. Elle aurait pu s'emporter, mais elle resta de marbre.

Je connais mieux que vous les canons, je pense. Et je ne vous ai pas convoqué ici pour tout expliquer. Ce n'est qu'un simple audit ; l'audience déterminera tout le reste.
Je voulais juste voir si vous aviez des regrets, et j'ai ma réponse.

Elle laissa s'installer un long silence et guetta la réaction de Pénélope.

Je voulais aussi vous faire signer ces deux parchemins.

Citation :

Lyon, le sixième jour du deuxième mois de l'an d'Horace MCDLVIII, sous le pontificat d'Eugène V.


Nous, Pénélope, gouverneur du Dauphiné et du Lyonnais, reconnaissons par la présente avoir entretenu une relation amoureuse avec le duc Hardryan de Chasteau-Queyras, cette relation n’ayant cependant entraîné aucune copulation et s’étant bornée à de simples baisers buccaux.

De toutes évidences cette femme ne comprendrait rien, rien à ce qu'elle vivait et pouvait ressentir, un bloc de marbre, c'était même à se demander si du sang coulait dans ses veines tellement elle était blanche.
Elle ravala les larmes qui embuaient ses yeux, épuisée par ses questions sans fin et prit le parchemin pour le signer tout en modifiant la fin du texte.

Citation :

Lyon, le sixième jour du deuxième mois de l'an d'Horace MCDLVIII, sous le pontificat d'Eugène V.


Nous, Pénélope, reconnaissons par la présente avoir entretenu une relation amoureuse avec le duc Hardryan de Chasteau-Queyras, cette relation n’ayant cependant entraîné aucun acte charnel et s’étant bornée à un baiser buccal.

Puis relevant les yeux vers Wilgeforte elle dit d'une voix claire

Depuis bientôt un an je me confesse auprès de Son Eminence Ecaterina de Sévillano, elle mieux que quiconque sait les tourments que mon coeur rencontre.

Reprenant le parchemin et vérifiant la modification du sens :

Quel dommage que les confessions soient faites sous secret... Cela aurait permis un beau témoignage. Mais nous nous contenterons de la si spontanée déclaration du duc Hardryan.

Wilgeforte se leva.

Je vous remercie pour votre collaboration.